Sensation#5 — l’ouïe

Chaque jour, ils sont nombreux, les usagers des transports en commun qui se laissent transporter par la musique de leur casques, ils sont nombreux les automobilistes à écouter la radio dans la voiture, oubliant la longueur du trajet à effectuer.

Comme une superposition à leur petite histoire, de la conscience du monde, de la vie d’une personne interviewée ou encore juste de l’émotion suscitée par une musique. Nos oreilles ne nous servent pas juste à entendre notre environnement. Avec l’enregistrement audio, avec la radio, ce sens ajoute une dimension, basée sûrement sur notre capacité à réfléchir sur la complexité d’un raisonnement tout en gardant en tête que présentement les pâtes sont en train de cuire depuis 8 minutes.

8 minutes? Égoutte tes pâtes! Écoute la radio!

Après le toucher, le goût, la vue, l’odorat, l’émission sensation s’attelle à comprendre comment fonctionne ce sens qui chatouille, qui émoustille tout animateur radio tout fou que nous sommes.  Il s’agit de l’ouïe.

Pour ce sujet particulièrement radiophonique nous avons plein de sons :

Anne-Ma, audioprothésiste, décrit le fonctionnement de nos oreilles. Serge Durin, facteur d’instruments, nous ouvre son atelier et aussi un peu son imaginaire. Nils Cheville,  musicien, évoque le rôle de la musique dans le cinéma.  Mylène Pardoën, musicologue, travaille sur la reconstitution sonore de Paris au 18eme siècle. Elle interroge notre curiosité à écouter des ambiances sonores.

 

Les documents sonores

Anma, audioprothésiste

Comment fonctionne l’oreille humaine? Quelles aides sont possibles lorsque les différentes parties de l’oreille humaine dysfonctionnent? Quel rôle joue l’audition dans la communication?

Serge Durin, facteur d’instruments

Serge Durin est un facteur d’instruments à vents, il travaille aussi à la restauration et à l’entretien d’instruments existants. Passionné de son, il a commencé en autodidacte, et a construit son expertise au fil des échanges avec nombre d’artistes, de chercheurs, de bidouilleurs, d’artisans, de facteurs… Dans ce premier extrait d’entretien, il raconte son métier.

Dans ce deuxième extrait d’entretien, il raconte ce qu’est le son, comment il se déplace, et comment on l’appréhende.

Nils, musicien pour le cinéma

Mylène Pardoën, musicologue, sur l’archéologie sonore du Paris du 18e siècle

Mylène Pardoën travaille depuis plus de dix ans à la reconstitution du Paris du 18e siècle. Son projet de recherche, entre musicologie, histoire des métiers d’autrefois, et exploration des sons, offre une porte d’entrée dans le passé, qui émerveille petits et grands.

La programmation musicale

Scottish fait main par les Zéoles

Pour aller plus loin

  • Le projet Bretez dirigé par Mylène Pardoën si vous voulez écouter Paris au 18e siècle
  • Sur l’histoire des technologies de reproduction sonore et des manières d’écouter : Jonathan Sterne, Une histoire de la modernité sonore, Paris, La Découverte, 2015.
  • Pendant l’émission, nous avons abordé la problématique de l’écriture musicale, sujet que nous avions également développé lors d’une émission de science alors consacrée à l’écriture en sciences.
  • Jean-Marie a également raconté le parcours de Pierre Schaeffer et du Groupe de Recherches Musicales (GRM) qui a exploré la musique concrète.
  • On a également évoqué l’audiodescription comme outil de description sonore de scènes non accessibles aux déficients visuels.

Sensation#4 — l’odorat

J’ai passé une bonne partie de mon enfance à Nantes, et comme tous les jeunes du coin, j’assistais chaque année avec émerveillement aux formidables spectacles proposés par la compagnie de théâtre de rue Royal de luxe. Parmi les spectacles qui m’ont le plus marqués, il y a eu Péplum, en 1995. Au delà des décors gigantesques, des débuts de mécanisation des éléments de décors, je me souviens bien sûr de cette reine égyptienne qui se baigne nue dans une baignoire remplie de lait. Et puis c’était la première fois que j’assistais à un spectacle où l’odorat était convoqué. Au fil du spectacle, un chariot monté sur rails ventilait vers les spectateurs odeurs de choucroute ou d’écurie… Le dispositif, quelque part entre le gadget et le délire génial, annonçait le début de l’expérience totale.

22 ans plus tard, la réalité virtuelle s’approprie finalement le concept, avec la projection du film Treehugger : Wawona, dans le cadre du festival du film de Tribeca, à New-York. Le spectateur est habillé d’une tenue restituant les sensations physiques, et d’un casque de réalité virtuelle diffusant les odeurs.

Qu’elles soient dérangeantes ou agréables, les odeurs semblent pourtant souvent cantonnées à l’intime. À la fois formidable outil de mémoire et artifice de ségrégation, les odeurs traversent notre quotidien sans presque jamais être dites.

Et une fois n’est pas coutume, nous avions non pas une, mais deux invitées pour échanger avec nous sur le plateau : Laurence Gaston, une Clermontoise non voyante, pour qui l’odorat est un sens important, et Sénia Fedoul qui prépare à l’Université de Lyon 2 une thèse de doctorat en histoire, sous la direction de Pierre Cornu. Elle explore la construction des goûts des vin français à l’international, et à ce titre s’intéresse notamment à l’histoire des odeurs.

Au fil de la discussion, nous avons parlé du vocabulaire de l’olfactif, nous avons questionné l’importance de l’odorat dans les relations sociales, nous avons évoqué combien ce sens est indispensable aux plaisirs de la table…

Les documents sonores

Micro-trottoir

Un micro-trottoir réalisé par Lise sur les odeurs, pour entendre tout ce que pensent secrètement les gens sur les odeurs du quotidien.

Interview de Cécile Bord, ingénieur d’études en évaluation sensorielle à l’INRA

En début d’émission, Cécile Bord évoque le fonctionnement biologique et chimique de l’odorat.

Sensation#3 — la vue

Apercevoir, observer, regarder, examiner, scruter, dévisager, contempler, toiser, détailler, fixer, mirer, reluquer, lorgner, zieuter, mater… Voir.

Reproduire la réalité a très tôt motivé les humains, comme l’illustrent les premières peintures rupestres que l’on date de 40 000 ans. Ces reproductions qui ont traversé les âges se révèlent encore à nos yeux telles que les ont tracées nos ancêtres.

On attribue à un scientifique perse nommé Alhazen les fondements de l’optique géométrique. Cette science, née au dixième siècle, a collecté puis synthétisé tous les savoirs de l’humanité sur la perception visuelle et sur les appareillages permettant de déformer la lumière. Ce chemin de connaissances et d’inventions passe par le daguerréotype, permettant les premières reproductions photographiques stables dès 1835, et s’est poursuivie par l’invention du photon au vingtième siècle par Einstein.

C’est dans la continuité de ces savoir-faire techniques que se place l’apparition de l’écran dans notre quotidien. Au deuxième trimestre 2016, chaque foyer dispose de 5,5 écrans en moyenne pour regarder de la vidéo. Ce phénomène est véritablement massif, à tel point que nombre de radios privées diffusent leurs programmes sur les plateformes vidéo du type youtube, ajoutant des caméras pour VOIR dans les studios.

Au fil de la discussion avec Thierry Toth, sérigraphiste, nous avons parlé de vocabulaire graphique, nous questionnerons l’universalité du langage visuel, interrogé la place de la vidéo dans notre quotidien de citoyen, ou encore évoqué de représentation du temps ou de la perspective…

Les documents sonores

Au cours de cette émission, nous avons diffusé plusieurs documents pour alimenter la discussion.

Jacques Pourcher, peintre

Jacques Pourcher explore un univers pictural contemporain, transcription visuelle du travail de musiciens contemporains tels que John Cage ou Giacinto Scelsi.

Pour aller plus loin

Le site de l’association Alsae63 (Animations ludiques en Langue des Signes pour  Adultes et Enfants)

Sensation#2 — le goût

C’est bien connu, s’il y a une chose qui ne vaut pas la peine qu’on en débatte, c’est le goût qui, à l’instar des couleurs ne se discute pas. Pas de quoi donc en faire une émission de radio.  Or, s’il apparaît selon cet adage comme le siège même de la subjectivité, le goût est une compétence sensorielle qui s’exerce essentiellement dans le cadre d’un rituel collectif, partagé : celui du repas, ce qui fait de lui un sens éminemment social.

La table est en effet un haut lieu d’apprentissage des normes, des codes et des valeurs propres à une société, que l’on songe aux manières de s’y tenir, de se servir, à la sélection des aliments et aux interdits qu’elle génère, ou encore à la façon de les couper, de les porter à sa bouche… Et que dire de la préparation même des repas, la cuisine, pratiquée souvent dans la pièce éponyme, et du partage sexué des rôles sociaux qu’elle induit?  Les anthropologues ne s’y sont pas trompés, qui de Claude Lévi-Strauss à Jack Goody ont observé les sociétés à travers leurs façons de manger quand Pierre Bourdieu a montré qu’elles constituaient des pratiques de distinction. Les goûts eux-mêmes ressortissent à l’ordre du biologique comme du culturel, et sont susceptibles d’évoluer sous l’effet des changements sociaux. C’est ce que montrent les historiens étudiant l’acclimatation de la cuisine exotique en Europe par exemple, ou encore les changements des régimes de saveurs sous le poids de l’industrie agroalimentaire promouvant des produits de plus en plus sucrés et modifiant sinon nos palais du moins nos modes d’appréciation des aliments. Car si le goût est source de plaisir, son exercice quotidien correspond à un besoin vital – se nourrir – si bien que les goûts des consommateurs soulèvent des enjeux économiques majeurs.

Objet d’analyse des sciences humaines et sociales, le goût affecte en retour les sciences du vivant en déterminant par exemple une sélection des espèces et des races au risque de modifier l’équilibre des écosystèmes. Il mobilise de fait des questions éthiques liées aux rapports entre l’homme et l’environnement et plus spécifiquement entre l’homme et l’animal.

Pour évoquer ces questions, nous recevons Stéphane Le Bras, historien spécialiste du vin.
Stéphane Le Bras est maître de conférences en histoire contemporaine à l’université Clermont Auvergne.

Les documents sonores

Interview de Cécile Bord, ingénieur d’études en évaluation sensorielle à l’INRA

En introduction de l’émission, Cécile Bord évoque les différentes saveurs primaires qui composent le sens du goût, ainsi que les autres sens qui viennent compléter ces premières informations.

Lecture du texte de Jean-Marie Gustave Le Clézio

Ce texte figure en ouverture de son roman Ritournelle de la faim publié chez Gallimard en 2008 (texte lu par Jean Landon).

 

 

Sensation#1 — le toucher

« Prière de toucher »

C’est le titre d’une œuvre de Marcel Duchamp. Un sein encadré, en caoutchouc sur fond de velours. C’est un peu décevant pour celui qui imagine une sensation douce chaude et peut-être électrique qu’évoque le toucher d’un sein.

 

Ok C’est idiot cette idée. Peut-être que c’est pour prévenir toutes les idées idiotes que les musées interdisent généralement de toucher les œuvres exposées. Et encore, est ce que l’interdiction de toucher est toujours aussi forte qu’en 1947, lorsque Duchamp créa son œuvre? Aujourd’hui, en quelques touchés malins sur son smartphone, on trouve les partenaires pour des touchés coquins.

Être touché par des inconnus, bousculé dans la foule, compressé dans le tram bondé et trop lent un jour de pluie. Se rappeler alors son corps et ne pas s’y sentir bien. Ressentir du dégoût au point de ne voir en ce corps qu’un amas de chairs.

Plus tard, marcher pieds nus dans l’herbe tout doucement sentir le moelleux du dessous du pieds, la fraîcheur de l’herbes, la douceur du contact. S’allonger les mains sur le ventre et sentir l’air aller et venir dans son torse. Se sentir bien dans son corps.

Vous écoutez l’émission sensation, émission sur les 5 sens du corps humain, le goût, l’odorat, l’ouïe, la vue et le toucher que nous avons choisi

pour établir notre premier contact

Ce soir il y aura Samuel Rollin, microkiné, qui nous accompagnera tout au long de l’émission. Vous entendrez les voix d’Aurélie Grandin et de Valérie Rabhié du Centre de Rééducation pour Déficients Visuels, de Camille Henner, Danseuse, et de Mallorie, pâtissière.

 

 

Les documents sonores

Pendant l’émission, nous avons diffusé trois documents sonores enregistrés les semaines précédentes lors de reportages.

Malorie, de l’armoire à cuillères

Quelle est l’importance du toucher quand on conçoit des pâtisseries ? Fait-on attention à la texture, à la température ? Qu’évoque une gâteau moelleux, qu’est-ce que la mâche ? Cécile et Jean-Marie sont allés discuter avec Mallorie.

Programmation musicale

  • Petit Bobok I, sur l’album Amitiés de Noémi Boutin, Frédéric Aurier et François Sarhan
  • Sérénité, sur l’album Mauvais Œil de Bey.ler.bey Trio
  • Touch me, de Samatha Fox reprise par  Ilestre pour l’émission
  • J’ai la guitare qui me démange, sur l’album du même nom d’Yves Duteil

Pour aller plus loin

Nous avons présenté pendant l’émission une nouvelle revue de sciences humaines et sociales consacrée aux sensibilités:  Sensibilités. Histoire, critique & sciences sociales aux Éditions Anamosa.